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Acouphène, un symptôme majeur passé sous silence

“Depuis 2016, nous relevons une baisse sensible du nombre de maladies professionnelles liées au bruit”, entonne Hervé Visseaux, chef du pôle risques physiques à la Direction générale du travail. Une tendance malheureusement erronée du fait de l’absence d’enregistrement des intermittents du spectacle dans ces statistiques. “Selon nos informations, 50 % des professionnels du secteur de la musique sont atteints de troubles auditifs”, poursuit le représentant du ministère du Travail.

Hier soir, mardi 18 octobre, était organisée au théâtre Traversière à Paris, une soirée d’information et de réflexion sur l’audition à l’occasion de la 7e édition de la semaine de la santé auditive au travail. Le thème choisi par Denis Lancelin et l’équipe audition du laboratoire des systèmes perceptifs du CNRS à l’école normale supérieure, organisatrice de la soirée : les acouphènes. 20 % de la population française y serait sujette avec des troubles plus ou moins handicapants. 3 % “seulement” témoigneraient d’une gêne importante. Dans la liste des contraintes physiques au travail, les acouphènes – sujet rarement abordé – arriveraient à la seconde place, juste derrière les troubles musculo-squelettiques… Naturellement, il existe des normes (voir échelle ci-dessous) et des EPI de plus en plus performants, mais les contributeurs insistent sur l’importance de penser l’environnement de travail dès l’origine de la construction des bâtiments.

Acouphènes, une maladie ?
L’acouphène, ou perception d’un son qui ne vient pas de l’extérieur, est un symptôme, qui peut devenir un syndrome, mais pas une maladie. Si en atténuer sa perception requiert un travail hautement pluri-disciplinaire, il existe des techniques éprouvées pour “vivre avec”. “L’acouphène est comparable à une cicatrice, explique le Dr Michel Kossowski, ancien chef du service ORL de l’hôpital d’instruction des armées Percy. ll arrive qu’elle se réveille. Notre travail porte sur l’atténuation de sa perception.”

Au cours de cette soirée, nous apprendrons notamment que le silence n’existe pas (il se situe aux environs de 20 décibels), mais aussi que notre oreille, elle-même, fait du bruit. Le mouvement des os, la trompe d’Eustache, mais aussi les vaisseaux sanguins peuvent produire un son, plus ou moins gênant selon les personnes.

A la recherche du cercle vertueux
L’une des spécificités de l’acouphène repose sur son caractère subjectif. En effet, un son peut être ressenti de façon agréable ou désagréable selon le contexte dans lequel il apparaît. “Prenez un acouphène qui survient après un feu d’artifice observé dans un cadre festif et celui qui apparaît suite à un évènement traumatisant comme un attentat. Il n’aura pas le même impact.” Or, selon les spécialistes réunis pour l’occasion, plus on fait attention à l’acouphène, plus on apprend à le reconnaître, plus il est présent, plus cela produit de l’angoisse. L’effet cercle vicieux est garanti. Pour en sortir, les professionnels de la santé recherchent, au contraire, le cercle vertueux. L’une des méthodes consiste donc à produire un bruit blanc qui diminue la perception de l’acouphène et donc l’attention du sujet envers celui-ci, ainsi que son stress. Progressivement, l’intensité de ce bruit artificiel peut être réduit.

Le cerveau, acteur majeur de l’acouphène
Si l’on connaît dans de nombreux domaines la puissance du cerveau, dans le cas des acouphènes, celui-ci se révèle un acteur de premier choix. “Notre cerveau reconstitue sans cesse des bribes d’informations manquantes”, souligne le Dr Alain Londero, responsable de la consultation acouphène et hyperacousie de l’hôpital européen Georges Pompidou à Paris. “Supprimez une fréquence dans un son complexe. A la seconde où vous arrêtez le son, votre cerveau produit naturellement la fréquence manquante.”
Outre, les solutions désormais bien connues et éprouvées (auscultation ORL, appareillage, kiné et osthéopathie, etc.), le Dr Londero et ses équipes développent la réalité virtuelle au service des patients atteints de ce symptôme pour réduire son impact. Des solutions novatrices qui ont déjà fait leurs preuves dans d’autres domaines comme les amputations et un nouvel outil qui pourrait faire grand bruit chez les professionnels de la santé, notamment au travail.

Pour aller plus loin, relire notre numéro consacré aux nuisances sonores.

SST Mag n°10 1|SST Mag n°10 2
SST Mag n°10
POSTER N°10 - Nuisances sonores 1
POSTER N°10 – Nuisances sonores

Nicolas Lefebvre

Journaliste dans la presse économique depuis 2002, il publie également un livre d’investigation aux éditions de l’Archipel en 2010. Secouriste bénévole, sauveteur aquatique et moniteur de premiers secours entre 2004 et 2018, il consacre sa maîtrise d’Histoire contemporaine à l’institutionnalisation du secourisme au sortir de la seconde guerre mondiale.En 2011, il fonde Oxygène Editions afin de publier Secours Mag, puis en 2017, SST Mag. Il assure aujourd’hui la rédaction en chef de ces deux titres de presse professionnelle.

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