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Débat – La semaine de 4 jours : un progrès pour la SST ?

La « semaine de 4 jours » peut induire deux modes de configuration : une semaine « en » 4 jours, sans réduction du volume horaire, et une semaine « de » 4 jours avec une réduction du temps hebdomadaire. Une étude réalisée par ADP Research Institute intitulée « People at Work 2023 : l’étude Workforce View » au mois de juillet 2023 révèle que 37 % des salariés interrogés préféreraient travailler 4 jours par semaine, en conservant le même salaire, mais avec des journées de travail plus longues. En janvier 2024, le Premier ministre, Gabriel Attal, a annoncé vouloir encourager les expérimentations de la semaine en 4 jours dans les administrations. L’objectif serait d’apporter un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle des salariés, contribuant ainsi à augmenter le bien-être au travail et à être plus productif lors des jours travaillés. Comment ce nouveau mode organisationnel impacte-t-il la santé et la sécurité des salariés ? Est-ce une avancée majeure pour la SST ou bien une fausse bonne idée qui consisterait à augmenter la charge de travail et donc le stress ?

Lisa Begouin

Une évolution inévitable

Thibaut Fleury

Thibaut Fleury, directeur général d’Efficience santé, président de Kerea et de Bossons Futé

Le débat autour de la semaine de quatre jours n’est plus de savoir si elle s’étendra en France, cela semble inévitable ! La véritable interrogation réside dans la manière de la mettre en œuvre pour équilibrer la qualité de vie et la compétitivité des entreprises. Depuis 2018, Efficience expérimente la semaine de quatre jours pour certains métiers en tension. Cette option est offerte aux collaborateurs volontaires, sans réduction du volume horaire, afin de répondre à des enjeux d’attractivité. Si cette mesure n’a pas amélioré la performance individuelle, son impact sur la qualité de vie des collaborateurs reste incertain. Nous sommes bien loin du plébiscite supposé par les sondages sur les expérimentations menées en Angleterre. Néanmoins, les attentes des salariés exigent davantage de flexibilité et d’individualisation des conditions de travail : garde d’enfants, soins aux proches, temps de transport, problèmes de santé… Reconnaître et intégrer pleinement ces aspects dans la culture d’entreprise est aujourd’hui une nécessité, tant du point de vue de la responsabilité sociale de l’entreprise que de son attractivité. Pour que la semaine de quatre jours constitue un réel progrès, elle devra néanmoins remplir quatre conditions essentielles. Premièrement, cela implique de réduire le temps de travail hebdomadaire. Dans le cas contraire, cela pourrait se révéler néfaste pour la santé, pouvant provoquer de la fatigue, du stress, et exclure une grande partie des travailleurs, notamment les parents. Ensuite, il faut repenser de manière concertée les organisations du travail : nous devons tirer les leçons du passage aux 35 heures pour éviter les mêmes écueils. L’entreprise doit travailler à l’amélioration de son fonctionnement et à la réduction effective de la charge. Il est nécessaire de relever le défi de la cohésion d’équipe, pour concilier la semaine de quatre jours, le télé-travail et le bon fonctionnement d’une équipe. Cela nécessite d’adopter un management plus à l’écoute des besoins tout en étant capable d’exprimer les nécessités de l’entreprise et du collectif.

Une réorganisation nécessaire

Bertrand Delecroix

Bertrand Delecroix, directeur d’études pour la sécurité et la santé au travail à l’INRS

Il faut distinguer les entreprises qui appliquent la semaine de 4 jours en réduisant le temps de travail et celles qui conservent le même taux horaire en 4 jours. Dans ce dernier cas, les journées sont allongées, il y a donc une augmentation de la fatigue et un risque de déconcentration. Lorsque les entreprises appliquent la semaine de 4 jours avec une réduction du temps de travail, bien souvent c’est à condition de ne pas réduire la productivité des salariés. Cela réduit les temps dits « non productifs », c’est-à-dire les temps de pause, de réunions qui peuvent être des moments de richesse. Parfois la semaine de 4 jours peut induire un débordement du temps de travail. En effet, certains salariés travaillent depuis chez eux le 5e jour, lisent leurs mails ou s’avancent pour la semaine suivante. La semaine de 4 jours n’est pas un idéal inatteignable mais nécessite une réorganisation au sein de l’entreprise, une évaluation entre les risques et les opportunités. A l’INRS, nous avons pu observer que, pour certaines entreprises, la semaine de 4 jours a permis de développer le travail collectif. Cela peut représenter un soutien en termes de santé et sécurité au travail à condition d’une bonne mise en place. Toute entreprise désirant se lancer aura intérêt à envisager les impacts sur la sécurité au travail. Ce fonctionnement présente des avantages pour les salariés comme la réduction de la fatigue, l’amélioration de la santé en termes cardiovasculaires ou l’augmentation du bien être. Il y a aussi des aspects négatifs : la baisse de la continuité de l’activité et la diminution des liens sociaux au sein de l’entreprise. Le travail d’encadrement est essentiel. Les managers doivent continuer à coordonner les acteurs et cela va s’avérer plus difficile si tout le monde n’est pas là au même moment. Souvent les managers n’appliquent pas pour eux la semaine de 4 jours car ils doivent avoir des contacts avec tous les salariés. Les entreprises qui souhaitent appliquer la semaine de 4 jours doivent s’en saisir pour augmenter la SST.

Le débat du n°30 portera sur « Au travail, vous sentez-vous exposé au bruit ? »

N’hésitez-pas à voter et donner votre avis juste ici.

Nicolas Lefebvre

Journaliste dans la presse économique depuis 2002, il publie également un livre d’investigation aux éditions de l’Archipel en 2010. Secouriste bénévole, sauveteur aquatique et moniteur de premiers secours entre 2004 et 2018, il consacre sa maîtrise d’Histoire contemporaine à l’institutionnalisation du secourisme au sortir de la seconde guerre mondiale.En 2011, il fonde Oxygène Editions afin de publier Secours Mag, puis en 2017, SST Mag. Il assure aujourd’hui la rédaction en chef de ces deux titres de presse professionnelle.

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