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Sexisme ordinaire en entreprise : la prévention a un plan

“Ça va ma jolie”, “elle a ses règles aujourd’hui”, “une vraie gonzesse celui-là”. Qui n’a pas entendu ces remarques ? Ou été confronté.e à certaines attitudes ou normes culturelles qui continuent de nourrir les stéréotypes de genre et d’entretenir les inégalités entre les sexes. Ces comportements définissent la notion de « sexisme ordinaire ».

Bien qu’il soit parfois subtil et difficile à déceler, le sexisme ordinaire peut avoir de graves répercussions pour ses victimes, telles que l’isolement, la perte d’estime de soi ou encore l’absentéisme. Ainsi, il est essentiel de prévenir et d’identifier ces comportements au sein des entreprises.

APPRENDRE À RECONNAITRE LE SEXISME

La première étape pour prévenir efficacement le sexisme ordinaire sur le lieu de travail consiste à savoir le reconnaître et l’identifier. D’un point de vue juridique, l’article L.1142-2-1 du Code du travail donne une définition claire du sexisme. Il s’agit de « tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité, ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. » Il est essentiel de noter que l’agissement sexiste est caractérisé à partir du premier fait.

Le sexisme ordinaire peut se manifester sous différentes formes. Il peut prendre l’apparence de blagues avec des remarques comme « t’es blonde ou quoi ? », ou encore « les hommes ne savent pas faire deux choses à la fois ». Cependant, même sur un ton humoristique, ce type de comportement n’a pas lieu d’être au travail. Il peut également s’agir de critiques ou commentaires non sollicités sur l’apparence physique, comme le fait d’évoquer le décolleté d’une personne par exemple. Enfin, le sexisme peut se retrouver dans la répartition des tâches genrées, notamment en demandant à la seule femme du comité de direction de s’occuper du café.

Il est essentiel de noter que l’agissement sexiste est caractérisé à partir du premier fait.

© Pexels / Yan Krukau

PRÉVENIR ET AGIR

L’apparition d’actes sexistes prend souvent racine dans la culture de l’entreprise. Une faible mixité, des iniquités de traitements, ou encore des conditions de travail dégradées sont des facteurs de risques à l’origine de l’apparition ou du maintien de ce type de comportement en entreprise. Tout plan de prévention efficace passe par la mise en place d’une culture d’entreprise reposant sur :

  • une démarche pédagogique de formation et d’information ;
  • une déculpabilisation des victimes et une tolérance zéro à l’égard des faits sexistes (aucune tenue, parole ou comportement de la victime ne justifie le comportement abusif) ;
  • un recadrage et signalement systématique pour les comportements avérés ;
  • une exemplarité en la matière (pas de blagues sexistes, traitement homme / femme identique).

Le plan de prévention contre le sexisme ordinaire s’organise à trois niveaux.

La prévention primaire, qui consiste à anticiper le risque. On peut envisager de sensibiliser et former la direction sur le sujet, ou encore de réaliser une enquête préventive (en évaluant les facteurs de risques) autour de la question du sexisme. On peut également intégrer les risques liés aux violences sexistes et sexuelles au travail dans le document unique d’évaluation des risques.

La prévention secondaire consiste à outiller les collaborateurs de l’organisation face à ce risque. Par exemple, une entreprise peut mettre en place des référents qui sont formés concernant les violences sexistes et l’accompagnement des personnes victimes. Elle peut également décider de mettre en place une formation pour les salariés et managers. Il est également important de construire des outils d’alerte et de les diffuser auprès du personnel.

Enfin la prévention tertiaire intervient lorsqu’il y a déjà eu des atteintes sur une personne. Elle est curative et consiste à mettre en place des mesures pour accompagner et réduire les impacts sur la victime. Il peut s’agir de recueillir les plaintes, par exemple avec une boite mail dédiée, d’installer une permanence, ou une cellule d’écoute, de mener une enquête interne et d’accompagner les victimes.

Comment réagir à une situation sexiste en tant que témoin ?

  1. Distraire : détournez l’attention en demandant l’heure, tousser, renverser son café.
  2. Déléguer : auprès d’une figure d’autorité (avec l’autorisation de la victime en cas de harcèlement, agression).
  3. Diriger : rassurer la victime et demander de l’aide.
  4. Documenter : faites un mail à la victime retraçant les faits dont vous avez été témoin et les impacts perçus sur cette dernière.
  5. Signifiez votre malaise et mettez des mots sur ces faits. Il n’est jamais trop tôt ou trop tard pour dire “STOP”. En tant que victime et témoin, vous êtes protégés juridiquement en cas de signalement.

SPST : UN MAILLON ESSENTIEL

Les services de prévention et de santé au travail (SPST) représentent un maillon essentiel dans la lutte contre le sexisme en entreprise. D’une part, ils accompagnent les employeurs pour construire leur plan de prévention du sexisme. Les médecins du travail peuvent fournir des conseils juridiques aux employeurs, les informer des obligations légales en matière de lutte contre le sexisme (affichage obligatoire etc.) et les aider à prendre les mesures appropriées.

D’autre part, l’équipe pluridisciplinaire du service de santé au travail est un allié précieux pour les victimes de sexisme en entreprise. Elle offre une écoute attentive et bienveillante aux victimes de comportements sexistes. L’équipe pluridisciplinaire (psychologue du travail, médecin du travail, etc.) du SPST peut fournir un soutien psychologique et émotionnel aux victimes, les aider à comprendre leurs droits et les accompagner dans leurs démarches de signalement ou de recours.

En agissant comme des intermédiaires entre les employés et les employeurs, le service de santé au travail contribue à résoudre les problèmes de sexisme en entreprise de manière neutre, équitable et confidentielle. Le SPST joue un rôle clé dans la sensibilisation et la prévention du sexisme, en informant sur les conséquences néfastes de ces comportements et en encourageant un changement de culture au sein de l’entreprise.

Texte : Magali Lopez et Christelle Collinet

Christelle Collinet

Ergonome au sein d’Efficience Santé au travail depuis 2006, Christelle Collinet accompagne et conseille les employeurs et les salariés notamment sur la prévention des TMS et le maintien en emploi.


Magali Lopez

Psychologue du travail et ergonome, Magali Lopez exerce depuis 2020 au sein d’Efficience santé au travail. Pilote du projet de service QVCT, elle apprécie dans son métier de travailler en équipe pluridisciplinaire pour accompagner les entreprises dans la prévention des risques professionnels : les RPS, TMS, mais aussi les violences sexistes et sexuelles en entreprise.

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