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Médiation en entreprise : un levier important pour prévenir les RPS

Face aux risques d’agressions verbales, physiques, sexuelles ou de harcèlement moral, les entreprises sont tenues de mettre en place des mesures correctives et de prévention. Parmi les dispositifs, l’appel à une médiation peut permettre de prévenir ou de solutionner des conflits.   

L’Organisation internationale du travail (OIT) définit les violences et le harcèlement comme un ensemble de comportements et de pratiques inacceptables, ou de menaces de tels comportements et pratiques, qu’ils se produisent à une seule occasion ou de manière répétée, qui ont pour but de causer, causent ou sont susceptibles de causer un dommage d’ordre physique, psychologique, sexuel ou économique (selon l’article 1 (1) a) de la convention (n°190) sur la violence et le harcèlement, 2019).

Quelles agressions ?

L’agression est une attaque, souvent soudaine et brutale, avec une atteinte réactionnelle de l’organisme. On distingue trois types d’agression : verbales (injure, diffamation, menace), physiques, sexuelles. Les agressions font partie des risques professionnels qui diffèrent selon les entreprises et leur environnement de travail. L’employeur étant garant de la santé et de la sécurité de ses salariés, il lui appartient d’identifier ces risques dans le DUER et de proposer des mesures de prévention adaptées et correctives quand ce type d’agissements surviennent. Cette prévention se réalise en général en instaurant un dialogue avec les représentants du personnel et la médecine du travail. Les insultes et agressions verbales sont des violences prohibées, tant par le code pénal que par le code du travail. Les agressions verbales peuvent dégénérer en agressions physiques ou morales, portant atteinte à l’intégrité de la personne qui peut se retrouver placée en arrêt de travail par son médecin au titre de la législation sur les accidents de travail, ou d’une maladie en lien avec le travail. Certains accords collectifs prévoient, en raison de leur activité, un accident du travail agression(entreprises de transport par exemple). Mais l’agression peut venir de l’intérieur, être insidieuse et se prolonger dans la durée. Tel est le cas du harcèlement moral qui entraîne « une dégradation des conditions de travail de la victime, peut porter atteinte à ses droits et à sa dignité, altérer sa santé physique ou mentale, ou compromettre son avenir professionnel » (article L. 1152-1 du Code du travail).

Comment les prévenir ?

Outre la mise en place d’un DUER remis à jour régulièrement, l’employeur doit informer et former les managers à repérer les risques afin d’intervenir sans délai pour faire cesser les situations dangereuses. Par ailleurs, informer et former l’ensemble du collectif des salariés est nécessaire car savoir reconnaître ce qui est acceptable de ce qui ne l’est pas, savoir percevoir la souffrance chez l’autre et intervenir en conséquence sont des compétences, des savoirs- faire et savoirs-être à développer et cultiver dans l’intérêt de tous. Et, en cette période de crise sanitaire qui a vu fleurir le télétravail, cela est d’autant plus précieux. Car, caché derrière son écran, comment exprimer son mal être et son sentiment d’être agressé par un regard, une parole, un mail, une demande perçue comme injuste ? Et ce d’autant plus que le collègue du bureau ou de la machine à café n’est plus là pour désamorcer cette tension qui va pouvoir tourner en boucle. L’individu isolé va se retrouver dans une situation qui peut rapidement le submerger. Le télétravail peut, certes, protéger les individus des agressions quotidiennes blessantes, mais aussi les priver des ressources relationnelles, amicales du lieu de travail. Les risques de laisser perdurer ce type de comportements sont divers et peuvent amener les personnes à la dépression, au sentiment d’être mis de côté, abandonnées, ignorées, voire à se mettre en danger en développant certaines addictions, ou encore en développant des réactions agressives soit à l’égard d’autrui soit à leur égard pouvant aller jusqu’à l’acte suicidaire. Les conséquences peuvent être dramatiques, tant pour la victime que pour sa famille et pour le collectif de travail.

Quand faire appel à un médiateur ?

La médiation existe dans les textes depuis la loi de 1995. Présentée comme un mode de résolution amiable des différends permettant aux personnes en conflit de dialoguer avec l’aide d’un tiers présentant certaines garanties de compétences et de déontologie, elle est aussi utilisée afin de prévenir les conflits. Elle peut être mise en œuvre à tout moment : dès la constatation d’une situation de tensions relationnelles, ou lors d’un projet important (fusion, déménagement, aménagement), ou encore lorsque les négociations collectives s’enlisent et que des tensions apparaissent entre les instances représentatives des salariés et la délégation employeur.

Certes, il est parfois nécessaire et prudent d’attendre le résultat de l’enquête interne ou de l’expertise « danger grave et imminent » avec des propositions de mesures correctives. Mais si cela semble sensé, il n’en demeure pas moins que le temps qui s’écoule peut sembler bien long aux personnes qui sont mises sur le banc de touche, soit par les soupçons qui pèsent sur elles, soit par l’impact des faits sur leur santé et leur projet professionnel.

En matière de prévention, il serait idéal d’avoir une grille permettant d’identifier rapidement les situations à risques et de mieux comprendre le fonctionnement systémique des tensions conflictuelles. L’expérience montre que selon le contexte, un mot, un geste, une mimique seront perçus différemment par les acteurs selon leur proximité relationnelle, leur environnement, la culture de l’entreprise, leurs habitudes, leur humour. Dans certaines affaires, il est reproché des réflexions blessantes alors que l’auteur estime avoir fait preuve d’humour. Ce type de défense est souvent utilisé dans les affaires d’agissements sexistes, de harcèlement, de menaces.

En matière de prévention, il serait idéal d’avoir une grille permettant d’identifier rapidement les situations à risques et de mieux comprendre le fonctionnement systémique des tensions conflictuelles.”

La médiation est une solution parmi d’autres. Elle n’est pas la panacée et n’est pas adaptée à toutes les situations de violences au travail. Ainsi, certains recommandent d’attendre le retour du salarié victime. Pourtant, le code du travail invite à la mise en œuvre d’une médiation dans les cas de situation de harcèlement moral sans autre précision (article L1152-6). Il est regrettable que ce texte reste trop souvent méconnu des victimes, des représentants des salariés, des employeurs mais aussi de ceux qui pourraient la recommander (médecins du travail, inspecteurs du travail). Certains prétextent l’arrêt maladie de la victime supposée pour repousser la mise en place d’une médiation à sa reprise. Or, la médiation pourrait faciliter son retour dans de bonnes conditions et éviter que les arrêts ne se prolongent au risque d’aggraver le sentiment d’injustice, d’exclusion et l’angoisse de la reprise… qui parfois n’aura jamais lieu. Elle peut aussi prévenir le risque d’étendre les tensions à tout un service.

Il est regrettable que l’article L1152-6 du code du travail reste trop souvent méconnu des victimes, des représentants des salariés, des employeurs, mais aussi de ceux qui pourraient la recommander (médecins du travail, inspecteurs du travail).

Moins coûteuse qu’une action judiciaire et plus efficace en termes d’apaisement des tensions sur le long terme, la médiation devrait se développer. Elle permet la transformation du conflit, renforce le sentiment de pouvoir (empowerment) et de compréhension mutuelle des personnes qui y participent. Pour autant, de nombreux freins existent. En particulier le manque de pratiques en entreprise, et encore plus au sein des services publics où les modes traditionnels de règlement des conflits demeurent sans véritable questionnement en dépit de leurs larges insuffisances. La médiation en tenant ses promesses d’efficience et de qualité des médiateurs devrait conquérir d’autres publics, à l’instar de ce qui se passe à l’étranger, ce qui nécessite aussi un renforcement de la formation des médiateurs et de leur éthique, avec par exemple la création d’un Conseil national de la médiation comme le prévoit le projet de loi « Pour la confiance dans l’institution judiciaire » qui a été adopté à l’assemblée nationale en première lecture.

Article de Maître Françoise Maréchal

Avocate aux barreaux de Paris et de Bayonne, inscrite sur la liste des médiateurs de la Cour d’appel de Paris et de la Cour d’appel de Pau, Maître Françoise Maréchal est référencée au Centre national des médiateurs avocats (CNMA). Présidente cofondatrice de l’association de médiation AMARE (CCI Bayonne Pays Basque), formatrice à la pratique de la médiation (Ecole des avocats EDA Aliénor, IFOMENE, Université de droit de Bordeaux), elle intervient principalement dans les conflits au travail, les conflits interculturels, et les négociations collectives.

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