Édito n°33
Suer au travail, le nouvel eldorado ?
Entre 6 et 9 %. Si l’on sortait d’une école de commerce, voici sans doute le chiffre que nous retiendrions… Il s’agit en effet du gain de productivité qu’engendrerait le sport au travail selon une étude du Medef réalisée en 2015. La rentabilité pourrait même augmenter dans le même temps, toujours selon l’organisation patronale, de 4 à 14 %. Mais ce n’est pas tout… Cette pratique réduirait aussi l’absentéisme et boosterait la cohésion d’équipe ! Autant donc le dire sans détour, le sport au travail représente une véritable aubaine pour les employeurs.
Si l’on en croit le président de la Société savante de management du sport (S2MS), Julien Pierre (lire son interview pages 30 à 31), il y a même une cerise sur le gâteau : la promotion de la « marque employeur ». Cette mise en avant du sport en entreprise se serait accompagnée d’un glissement sémantique notable. Exit la notion de « souffrance au travail », très discutée dans les années 90, place au « bien-être au travail ».
Alors, bien sûr, l’activité physique est bonne pour la santé. Surtout dans un contexte accru de sédentarité. La majorité des salariés passerait en moyenne 12 heures assis par jour… Conséquence directe de la tertiarisation. Le sport réduit le stress et prévient les troubles musculo-squelettiques. Ce n’est pourtant pas une recette miracle et gare aux effets de manche. Il ne s’agirait pas de mettre à disposition une salle de sport flambant neuve et d’ignorer les autres aspects de la santé au travail.
Dans les faits, les salariés qui se voient proposer une activité physique sont d’ailleurs encore extrêmement minoritaires et seuls 5 % des actifs pratiqueraient une activité suffisante…
Enfin, autre phénomène qui mérite une attention toute particulière : la gamification de l’activité physique au travail via des applis connectées. Si elles apportent une dimension ludique et sociale, elles auraient également tendance à contribuer à l’effritement des frontières entre vie professionnelle et personnelle. Sans même parler de la question de la protection de données sensibles qui touche à la santé des utilisateurs…
Nicolas Lefebvre