Accident du travailActus

La crise Covid-19 a-t-elle permis d’améliorer la SST ?

La crise sanitaire a profondément transformé les organisations du travail. Les entreprises ont dû s’adapter en un temps record pour poursuivre leur
activité sur site ou à distance, avec notamment l’élaboration de nouveaux protocoles de santé et d’hygiène s’appuyant entre autres sur le port du masque, la distanciation sociale, ou encore la désinfection des mains via l’utilisation de gel hydro-alcoolique. Alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré le 5 mai dernier la fin du Covid-19 en tant qu’urgence de santé publique de portée internationale, il semble opportun de dresser un premier bilan dans le monde de la sécurité et de la santé au travail (SST). Les bonnes pratiques édictées ont-elles toujours cours aujourd’hui ? Et si à première vue le risque généré par le Covid-19 a pu permettre aux entreprises de mieux prendre en compte la problématique de l’hygiène et de l’environnement de travail, n’a t-elle pas également généré de nouveaux risques ?

Yann Bellon

Des avancées pérennes

Dr Françoise Ducrot, directrice des partenariats du Service de santé au travail de la région
nantaise (SSTRN)

Aujourd’hui la tendance est à un retour « à la vie normale ». Trois ans après le début de la crise, il y a un relâchement logique des
pratiques de distanciation sociale par rapport à l’extrême vigilance qui était de mise pendant la crise sanitaire. Pour autant, les bonnes pratiques n’ont pas disparu : les solutions hydro-alcooliques sont largement mises à disposition au sein des entreprises, le masque chirurgical est toujours présent dans des secteurs d’activité où les travailleurs sont en contact direct avec des personnes vulnérables. Et de manière globale, si un salarié présente des symptômes infectieux, il est invité à porter un masque chirurgical. Pour toutes ces raisons, la crise du Covid-19 a permis une avancée dans la compréhension que chacun œuvre à la sécurité collective.
La pandémie a aussi accéléré le déploiement du télétravail avec notamment la généralisation d’outils de visioconférence. Là encore, les salariés concernés ont pu mesurer lors de la mise en œuvre du télétravail imposé au début de la crise sanitaire les
impacts d’une mauvaise installation et les risques de troubles musculo-squelettiques (TMS). Nous constatons d’ailleurs une augmentation du nombre de sensibilisations au travail sur écran avec des conseillers en prévention mobilisés pour fournir les bonnes pratiques quant à l’ergonomie et à l’aménagement du poste de travail. Enfin, en termes de prévention si le travail à distance a l’avantage de ne pas exposer les travailleurs au risque routier, il s’est révélé aussi source de risques psychosociaux pour certains salariés, y compris les managers. C’est pourquoi, et afin de préserver le lien de confiance nécessaire à la cohésion et à la performance du collectif de travail, des actions de prévention sont conseillées, comme la mise en place d’espaces de dialogue pour en favoriser les modalités (règles de connexion, aménagement du poste, fréquence, partage d’expérience…) ou encore des formations spécifiques notamment celles dédiées au manager. »

Le télétravail et ses risques potentiels

Amandine Brugière,
responsable des développements techniques et scientifiques de l’ANACT

Plusieurs études mettent en évidence l’utilisation du télétravail au sein d’entreprises où cette organisation était peu ou pas appliquée avant la crise sanitaire. Globalement, nous sommes passés de 7 % d’entreprises ayant recours au télétravail à plus de 20 % pendant la crise. La dernière étude du cabinet JLL va plus loin en évaluant à 47 % les entreprises qui recourent au travail à distance, et 55 % de la population active qui aurait adopté cette organisation de travail dont la pérennisation dans le temps le montre : nous sommes passés d’un télétravail contraint à un télétravail choisi et concerté. Si pour l’heure, nous n’avons pas de chiffres permettant de quantifier les risques potentiels liés au télétravail, les facteurs de risques sont connus. Si l’on ne met pas en œuvre des modes de régulation et de prévention adéquats, le travail à distance peut avoir des effets délétères et engendrer un délitement du collectif. Le fait de ne plus travailler dans une même unité de temps et de lieu – où les salariés peuvent se retrouver pour échanger sur les objectifs de productivité, faire part de leurs besoins et attentes propres, avoir des temps d’apprentissage entre pairs, et de construction d’une culture commune – doit être compensé autrement. Le rôle de soutien social et de protection joué par le collectif est essentiel dans la prévention des risques. En plus du risque de déshumanisation des relations professionnelles pouvant entrainer isolement, perte de sens et décrochage, le télétravail a tendance à engendrer une intensification et une durée de travail plus importantes, caractérisés par des pauses moins fréquentes, et des journées plus longues.
La charge est aussi plus lourde pour les managers qui font face à un surcroit de réunions pour suivre les équipes et les synchroniser afin de renforcer la coordination du groupe. Enfin, le travail à distance peut avoir un impact sur le plan physique en raison d’une plus grande sédentarité (douleurs lombaires, TMS, etc.), et psychologique, en lien avec les RPS.

Résultats du sondage auprès des lecteurs SST Mag

Le débat du numéro 26 (à paraître le 11 septembre 2023) portera sur “l’entreprise peut-elle être un lieu d’inclusion ?”

Abonnez-vous à notre magazine pour le découvrir en exclusivité !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

X