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Déplacements en entreprise : le temps perdu ne se rattrape jamais sans rien faire !

Les déplacements à l’intérieur d’une entreprise peuvent dans certains cas s’effectuer sur des temps longs, ce qui soulève inévitablement des questions en termes de santé et de sécurité au travail. D’autant plus dans le contexte sécuritaire et sanitaire en lien avec la crise du Covid-19.

Lors de la conception, pour les déplacements entre postes de travail, les déplacements liés à la manutention des composants de fabrication, à la maintenance des machines, etc., l’employeur aura évité les écueils principaux en s’appuyant sur le guide de l’INRS ED 950 « Conception des lieux et des situations de travail ».

Des déplacements plus complexes

En revanche pour l’exploitation, c’est le saut dans l’inconnu. D’autant que les mesures sécuritaires imposées depuis 2015, et sanitaires depuis 2020, ont complexifié la problématique de tous les déplacements. Sans pour autant que soit évaluée l’incidence de ces mesures sur les temps de déplacements.

Ainsi, marcher en moyenne deux heures par jour est très courant pour un agent de maintenance, soit 440 heures par an. Au gré des pannes et incidents, il faut changer de lieu de travail, avec sa caisse à outils. Pour ces personnels, le télétravailest un non-sens. Se déplacer est la règle commune, mais peu d’attention est portée aux déplacements et aux temps sans valeur ajoutée (TSVA) qu’ils engendrent.

Les entreprises gagneront à écouter les personnels et à les doter de moyens de déplacement plus rapides. Certes, marcher permet de réfléchir, mais quand les allers-retours entre le point d’appui maintenance et les machines se font par l’extérieur des bâtiments, les dizaines de minutes de marche n’apportent rien d’autre que de la fatigue.

Compter le temps passé à marcher est simple aujourd’hui. Quel téléphone mobile n’a pas de compteur de pas ? Cela suppose simplement un dialogue constructif entre les techniciens et leur hiérarchie.

A l’écoute des salariés

Un tricycle, un gyropode pour réduire de 50 % le TSVA par an apportera plus de satisfaction que tous les débats sur qui en est la cause. Il suffit d’écouter les techniciens. Et d’investir 400 euros par personne pour récupérer plusieurs centaines d’heures de temps actif par an.

D’une façon générale, pour toutes les activités qui ne peuvent pas s’exercer en télétravail, les déplacements pour accéder au lieu de travail puis au poste de travail constituent des TSVA.

Et depuis les attentats de 2015 et les contraintes sanitaires Covid depuis mars 2020 les temps d’accès aux sites et les temps de déplacements internes sont des destructeurs de valeur ajoutée. Et les salariés n’y sont pour rien…

Pour nombre d’entre eux, l’interdiction des déplacements à pied et l’obligation de prendre des navettes pour aller d’un bâtiment à l’autre a accru les TSVA.

A quoi bon chercher des gains de productivité sans traiter les accès aux sites et les déplacements internes contraints ?

Exemple pratique d’un grand site industriel

Depuis 2015, les salariés doivent passer par un parking externe obligatoire. Ils doivent ensuite marcher 5 minutes pour rejoindre l’arrêt du bus, attendre en moyenne 7 à 10 minutes la navette qui amène à l’entrée du site en 10 minutes. Le franchissement du premier contrôle de sécurité est en vue à T0+25 minutes. Il faut ensuite passer par l’étape de la désinfection des mains et le contrôle de température. Ordinateur, téléphone mobile, la ceinture, et autres accessoires sont déposés dans des bacs qui seront acheminés au contrôle par rayons X. Hors file d’attente, il faut compter encore 5 à 7 minutes d’attente. Si le contrôle aux rayons X n’a rien révélé d’anormal, la présentation du badge permet le franchissement du portique corps entier. Une fois cette étape franchie, vient le contrôle par un agent de sécurité : le salarié doit retirer son masque, montrer la photo de son badge, soit encore une à deux minutes hors alarme. Il reste à récupérer ses affaires, remettre le portable dans sa sacoche, se revêtir, soit encore 5 à 7 minutes hors file d’attente…

Nous voici à T0 +45 minutes de temps passé. Mais avant de pénétrer effectivement sur le site, l’épreuve du « tourniquet » avec badge et code, reste à venir. Entre 3 et 5 minutes sont nécessaires pour passer la « frontière », si le lecteur de badge ne vous lâche pas.

Puis 5 à 10 minutes supplémentaires d’attente avant qu’une navette vous amène 10 minutes plus tard, à l’arrêt proche du bâtiment où vous travaillez. Soit une heure après l’arrivée sur le parking…

Des managers dans le mouvement

Comment regagner le temps perdu ? Obliger les managers à sortir de leurs bureaux, à suivre et écouter les membres de leur équipe tout au long de la journée. Ils découvriront qu’en sus des déplacements, l’attente des consignations, des pièces et consommables au magasin… n’apporte pas de valeur ajoutée.

Réduire des temps liés à l’organisation de l’entreprise demande des investissements en matière grise pour la description des processus de travail et la remise en cause des pratiques. Le jeu en vaut la chandelle quand les TSVA pèsent de 20 à 40 % de l’activité selon les métiers.

Les mesures sécuritaires imposées depuis 2015, ajoutées aux mesures sanitaires depuis 2020, ont complexifié la problématique de tous les déplacements.

Auteur de cet article, Claude Pichot est président de l’Association des ingénieurs et responsables de maintenance (Afim).

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