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Développement durable : quelles bonnes pratiques de prévention dans le BTP ?

Préoccupation croissante de la société civile, le développement durable est plus que jamais d’actualité. Face à ces problématiques, le secteur du BTP a mis en place plusieurs solutions de prévention. Zoom sur une démarche collective aux multiples enjeux.   

Lutte contre le changement climatique, préservation de la biodiversité et protection des milieux et ressources, épanouissement de tous les êtres humains, cohésion sociale et solidarité, dynamique de développement suivant des modes de production et de consommation responsables : les cinq piliers du développement durable sont inscrits dans les grandes orientations politiques de nombreux pays, dont la France.

Qu’en est-il dans le secteur du BTP, à l’échelle des projets de construction neuve et des projets de rénovation, dans la temporalité des études et du chantier ? Quelles sont les convergences entre santé publique et santé au travail, entre construction durable et prévention ?

Des progrès encourageants

Alors que les ouvrages sont énergétiquement plus performants et que les normes environnementales pour les ouvrages sont de mieux en mieux appliquées, la sinistralité dans le BTP diminue d’année en année, et les chantiers réduisent leurs nuisances. Ils sont de plus en plus respectueux de l’environnement, preuve que les démarches HSE et les outils supports de ces démarches que sont les certifications produisent des résultats satisfaisants.

Au moment où la loi de transition écologique pour la croissance verte (LTECV) d’août 2015  produit des effets mesurables, ces constats encourageants invitent à aller plus loin pour éradiquer les accidents et les effets différés des expositions inappropriées sur la santé des ouvriers du BTP, en développant la prévention intégrée.

De la première loi « environnementale » à l’émergence de la santé environnementale

L’impact des pollutions sur notre santé n’est pas un problème contemporain. Au XIIIe siècle, Edouard Ier interdit à Londres l’utilisation de la houille bitumineuse, initiant ainsi la législation environnementale. Outre le sujet de l’air, le problème de l’eau et des déchets est crucial au XVIIIe siècle qui voit naître la loi contre « le tout à la rue ». On fait alors le lien entre pollution et grandes épidémies (peste, choléra et tuberculose). En décembre 1950, le « Great London smog », brouillard causé par les particules dues à la combustion du charbon, est le déclencheur de la première loi environnementale sur l’air : le Clean Air Act, promulgué en 1956. La France n’est pas en reste et instaure la première loi sur l’eau en 1964, puis fonde son premier ministère de l’environnement en 1970.

Le lien entre santé publique et pollution est donc ancien.

La notion de santé environnementale est beaucoup plus récente, et guide les démarches de prévention de demain dans l’ensemble des secteurs, dont le BTP. En 1989, l’OMS réunit les ministères de la Santé et les ministères de l’Environnement à l’échelle de l’Europe. Il s’ensuit l’adoption de la Charte européenne de l’environnement et de la santé. Puis en 1992, le sommet de la Terre de Rio inscrit la lutte contre les pollutions comme préoccupation sanitaire mondiale.

C’est au début du XXIe siècle que les réglementations et les démarches de prévention dépassent le seul contexte des grandes pollutions et nuisances pour prendre en compte les « petites pollutions de notre environnement quotidien » – des pollutions dont on sait maintenant qu’elles ont un impact effectif sur la santé – et que l’approche devient plus systémique en considérant la relation entre l’homme et l’environnement plutôt que de les étudier séparément.

Quelles thématiques de risques dans le BTP ?

Le traitement de l’eau et l’assainissement font partie de la liste des sujets importants. La pollution de l’air apparait comme une cause majeure de décès à l’échelle planétaire. La pollution des sols est également à inscrire dans la liste. Les substances polluantes les plus nocives (amiante, mercure, plomb, radon, dioxyde de soufre, monoxyde de carbone) appellent des dispositions particulières. Nous ne retenons pas ici les nitrates, tout aussi importants, mais qui relèvent des activités agricoles et industrielles.

La France est dotée depuis plus de 10 ans d’un Plan National Santé Environnement (PNSE) pour s’attaquer aux polluants les plus nocifs. Or, les chiffres montrent clairement que les décès et dommages sur la santé par expositions directes sont largement minoritaires, là où les maladies chroniques résultant d’un effet différé sont la première cause de mortalité.

Les autorités préparent le PST4 (Plan Santé au Travail). Des sujets déjà présents dans le PST3 devraient être davantage mis en avant, comme les risques émergents et le développement de passerelles avec la santé publique. Les réflexions porteraient, entre autres, sur les maladies cardio-vasculaires et le changement climatique. Du côté des organisations syndicales, après la catastrophe de Lubrizol et la crise du Covid-19, plusieurs aimeraient voir les risques industriels et les risques biologiques inscrits dans le plan.

Quelles mesures de prévention ?

Qu’en est-il sur les chantiers et au sein des entreprises de BTP ? Au cours de la dernière décennie, nombres de chantiers ont intégré la dimension environnementale et pris des mesures à la hauteur des enjeux. Citons au titre des grands chantiers d’infrastructures la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux qui a su gérer 14 sites Natura 2000, et plus de 220 espèces protégées faune et flore.

A l’échelle des chantiers courants constituant l’essentiel de l’activité, on observe une convergence entre la préoccupation environnementale et la santé publique, comme par exemple la réduction de la nuisance poussière émise par le chantier. La maitrise des risques d’exposition à la silice est concrétisée par des mesures de protection pour les ouvriers découpant une bordure sur un chantier de travaux publics ou de la brique sur un chantier de logements.

Ces problématiques sont un terrain d’excellence de l’OPPBTP qui travaille en partenariat avec la DGT, l’INRS et les principales organisations professionnelles, ainsi qu’avec les services de santé au travail nationaux et régionaux pour élaborer des cartographies des valeurs d’expositions aux poussières selon les activités (les « Carto ») et développer des solutions pragmatiques pour le chantier (les « Règles de l’Art »). Avec ces études et les outils qui en résultent, c’est l’ensemble de la branche qui dispose de mesures objectives et de solutions de prévention applicables pour travailler sur les chantiers dans les meilleures conditions de préservation de la santé des opérateurs.

L’OPPBTP élabore les protocoles de mesures qui permettent de qualifier chaque situation par rapport aux valeurs limites d’exposition (VLEP) et pilote les mesures sur chantiers.

L’ingénierie de l’exposition aux substances nocives et la connaissance des dommages différés sur la santé est un progrès considérable pour la branche BTP.

Les chantiers de dépollution, de curage, les chantiers de déconstruction et les chantiers de rénovation, qui se développent massivement au titre de la transition écologique et de l’économie circulaire exposent en effet les professionnels de la construction à l’amiante et au plomb, tandis que les chantiers neufs et les matériaux biosourcés posent d’autres sujets d’ingénierie de la prévention, avec les adjuvants de stabilité des nouveaux matériaux et les dangers associés aux nanomatériaux.

On voit donc ici une convergence des enjeux environnementaux et de la prévention.

Les dispositions favorables à la performance environnementale des ouvrages et des chantiers de réalisation portent cependant dans certains cas de nouveaux risques pour la santé au travail. Ainsi, les grandes fenêtres destinées à accroitre le facteur lumière du jour (FLJ) dans les immeubles tertiaires, et donc les menuiseries plus grandes et plus lourdes induisent des troubles musculo squelettiques (TMS). De même, le développement de la préfabrication en amont de la mise en œuvre sur site, et la manipulation d’éléments structurels et de façades de grande taille rouvre la problématique des opérations de levage et de manutention pour s’affranchir des risques de chutes et de heurts.

Dans ce contexte et face à ces évolutions de la conception et des méthodes de réalisation des ouvrages, ainsi que du contexte humain de la profession, l’OPPBTP travaille en particulier sur sept thématiques de risque :

  • les chutes de hauteur
  • le risque routier professionnel
  • les risques chimiques
  • les TMS
  • les heurts engins-piétons dans les travaux publics
  • l’hygiène
  • l’intérim.

Et demain, une prévention intégrée ?

Si les convergences observées entre respect de l’environnement, santé publique, prévention dans le BTP et santé au travail se développent efficacement, avec des résultats constatés probants et des outils de plus en plus performants au service de la profession (les « cartos », les « règles de l’art », les solutions techniques en ligne, accessibles notamment sur le site préventionbtp), un effort est à poursuivre au titre de l’anticipation. Un objectif commun pourrait être d’atteindre un niveau élevé de prévention intégrée, dès la conception (des ouvrages « safe by design »), pendant la préparation de chantier et la réalisation, ainsi qu’en maintenance tout au long du cycle de vie des ouvrages.

Les fabricants de matériaux et les loueurs de matériels sont parties prenantes dans cette évolution. Les innovations digitales intégrées dans les produits sont nombreuses. Des capteurs et asservissements pour éviter le heurt engin piétons au bracelet détecteur d’élévation de chaleur en période caniculaire, la palette de solutions initiées par des start-up s’étoffe régulièrement.

Pour aller plus loin, l’OPPBTP développe avec les organisations professionnelles et les entreprises de la branche l’approche positive de la prévention. Il s’agit d’un changement de paradigme pour lequel un parallèle entre écologie et prévention est particulièrement pertinent : de la même façon que nombre d’acteurs perçoivent désormais l’écologie non comme un ensemble complexe de contraintes réglementaires, mais comme une opportunité, il convient de porter dès aujourd’hui un regard similaire sur la prévention, qui est également une opportunité économique pour l’entreprise et une source de performance durable pour l’ensemble des acteurs de la filière BTP.

Philippe Robart

Directeur Technique de l’OPPBTP, Philippe Robart est ingénieur civil des Mines de Paris (option morphologie mathématique). Il dispose de 25 ans d’expérience professionnelle dans le BTP, déclinées en bureau d’études indépendant puis au sein de majors de la construction où il a exercé des missions d’expertise technique, de direction de projets puis de direction de l’ingénierie et de l’innovation.

Philippe Robart, directeur technique de l’OPPBTP

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